A modern myth
Puisqu'ici une image d'imagination fertile et facile règne, pourquoi ne pas prendre part au mouvement ? C'est ce cliquetis intransigeant du clavier qui décidera de la parution, de la mise en texte d'une ébauche en espérant qu'elle soit bonne. On espère, ça oui ! On s'acharne, on se bat contre un mur insurmontable derrière lequel (il est possible d'imaginer que) tout s'ouvre, tant la beauté du monde que sa bêtise.
C'est l'histoire du mec qui, avec sa petite cuillère, creuse non pas un tunnel, mais une échelle sur le mur : il sait qu'il ne saura pas descendre de l'autre côté, c'est trop haut, mais il aura vu ce monde de l'autre côté de la barrière.
Je m'épuise, mes poings saignent, rauques, secs, anguleux, cassés par endroits.
Maintenant imaginez-moi dans trente ans : sans visage, pas de détails physiques, hors contexte familial, professionnel ou que sais-je encore. Pas de décors, pas de costume. Peut-être une chaise banale dans le noir, pas étouffant, neutre. Il est plus facile de s'imaginer une chose en lui attribuant une image. Disons, juste ce que je serais sans le savoir aujourd'hui. Serais-je devenue celle que je voulais être à dix, six ans? J'ai la hantise de me décevoir. Je ne saurais pas vivre de ça. On s'imagine beau ou avec beaucoup de charme, discretion, charisme et grâce, soutenu par une épaule protectrice, résister à tout, avec le métier de nos rêves en prime, une famille et du temps pour nous s'il en reste. Après tout, qui décidera ? Moi ? La vie, probablement.
J'accepte le destin, s'il existe, car s'il a quelque dessein universel, on n'est pas forcément tous perdants. Sourire à un jeu de cartes où les deux adversaires, s'épiant fixement, traquant chaque signe de la part de l'autre, finissent tous deux gagnants, avec des intérêts différents, chacun fier de la sienne sans jalouser la réussite de l'autre. Se battre et réussir.
Se battre mais réussir.
J'ai peur de moi. Un flou m'entoure. Le besoin d'une part, l'envie lui faisant face, s'arrachent chaque organe de mon ventre. Je suis le bétail, on cherche en moi le meilleur morceau à consommer. Vendre à prix fort. On me fouille tout le temps, constamment, perpétuellement ses mains, ses ongles se balladent dans mes intestins, y laissant le sang dont elle s'étaient laissées tâcher.
On continue, j'avance sans savoir. On s'imagine, j'espère sans exactitude. Je, réaliste, ne demande pas l'impossible, mais le voulu.
Vouloir, voyez, voyeurs.